Interview du Président d’Athenora Consulting | publiée dans le Figaro
Stéphane Desselas, président-fondateur d’Athenora Consulting, défend une vision du lobbying fondée sur l’éthique et la transparence. Depuis la création de son cabinet en 2003, il a adopté une démarche rigoureuse et transparente et prouve que le lobbying peut (et doit) être vertueux. Stéphane Desselas, vous êtes le fondateur du cabinet Athenora Consulting. Pouvez-vous nous décrire votre parcours de lobbyiste ? Stéphane Desselas : Oui, je suis avocat de formation et diplômé de l’ESCP (93), j’ai eu l’opportunité d’effectuer un stage à Bruxelles en 1992, une expérience déterminante qui m’a ancré dans les affaires européennes. Depuis, j’ai évolué dans cet univers, travaillant aussi bien pour de grandes entreprises comme EDF et La Poste que pour des fédérations européennes. C’est en 2000, au sein d’un cabinet de lobbying britannique, que j’ai découvert le métier du conseil en affaires publiques, avant de franchir le pas et de fonder mon propre cabinet en 2003. Votre domaine d’expertise s’ancre dans les affaires européennes. Le cœur du pouvoir européen est secoué par un nouveau scandale de corruption impliquant Huawei. Une affaire qui rappelle le scandale Qatargate de 2022, qui avait conduit à l’arrestation de plusieurs parlementaires. Faut-il s’inquiéter des méthodes de lobbying pratiquées ? Stéphane Desselas : La corruption est hélas liée à la nature humaine. Toutefois, il y a des moyens de mettre en place des garde-fous : on peut pratiquer un lobbying éthique et c’est ce que nous nous attachons à faire chez Athenora Consulting. Il est temps en effet de promouvoir une sélection des causes qui peuvent faire l’objet ou non d’un lobbying, dans un esprit d’éthique renforcé. Je ne trouverai pas choquant que les cabinets européens ne défendent plus demain que des intérêts d’acteurs purement européens. Il n’est plus temps de faire preuve de naïveté. L’idée d’un “nationalisme” européen (fort de ses valeurs et principes propres) face aux autres blocs me semble avoir de plus en plus de sens. Nous sommes les héritiers d’Athènes, des deux Rome et des Lumières, soyons fier de promouvoir nos valeurs dans cette guerre idéologique de l’influence ! Quelle est la mission d’Athenora Consulting et quelles sont les causes que vous défendez ? Stéphane Desselas : Athenora Consulting est un cabinet de conseil en affaires publiques européennes. Nous allions une méthode éprouvée de lobbying développée sur la base des meilleures stratégies d’influence, un esprit de partenariat avec l’écosystème européen et un professionnalisme reconnu dans les outils et techniques de lobbying. Athenora s’engage à défendre des causes durables, dans un esprit d’intérêt général, en partageant sa connaissance fine des rouages européens et des réseaux institutionnels. « L’éthique nous engage personnellement » Quels sont vos principaux domaines d’expertise ? Stéphane Desselas : Nous avons acquis une reconnaissance dans les secteurs des grands services publics, tels que l’énergie, les transports, la poste et les télécommunications. Nous accompagnons aussi des organisations de l’économie sociale, comme des mutuelles et des coopératives, pour défendre leurs intérêts au niveau européen. Nous nous intéressons activement au secteur digital et aux technologies du futur, en créant des espaces de réflexion sur ces sujets. Athenora Consulting crée des cercles de réflexion pour discuter des politiques sociales, des technologies du futur, des enjeux de concessions et de marchés publics, enrichissant ainsi son approche globale. Depuis plus de 20 ans, notre credo, c’est « Éveiller à l’Europe pour agir ! ». Et nous allons poursuivre notre mission… L’image du lobbying reste ambivalente. Pourtant, c’est avant tout un formidable levier du dialogue démocratique si l’accès au lobbying est généralisé (Athenora défend d’ailleurs la notion de lobbyiste commis d’office pour favoriser cet accès à tous au lobbying). Le terme « lobbying » a une connotation négative. Selon vous, le lobbying éthique est une contradiction apparente ou un véritable engagement en faveur de la transparence et de l’intérêt général ? Stéphane Desselas : L’éthique est un pilier de l’ADN du cabinet dès le départ. L’éthique relève avant tout d’une conviction individuelle. La loi s’impose à tous, tandis que l’éthique nous engage personnellement. Nous, nous nous sommes toujours distingués par notre engagement en faveur de la transparence et de la pédagogie. Nous avons été le premier cabinet inscrit au registre de transparence de la Commission européenne. C’est un enjeu fondamental pour garantir la légitimité et l’intégrité des processus décisionnels. Comment développer une approche éthique du lobbying ? Stéphane Desselas : Le registre de transparence mis en place par la Commission européenne permet de recenser les acteurs influençant les politiques publiques. Cet outil offre une vision claire des interactions entre les secteurs public et privé pour prévenir d’éventuels conflits d’intérêts et préserver la confiance des citoyens envers les institutions. Aujourd’hui, les entreprises et organisations engagées dans des activités de lobbying ont l’obligation de déclarer leurs activités, les montants investis ainsi que les responsables impliqués dans ces démarches. Bien que ces informations soient accessibles au public, elles restent méconnues du grand nombre. L’application rigoureuse des principes de transparence permet non seulement de renforcer la démocratie, mais aussi d’améliorer la qualité des décisions prises en impliquant davantage les citoyens et les parties concernées dans le processus législatif. L’éthique, une priorité en lobbying Athenora Au-delà de ces exigences de transparence, Athenora Consulting adopte une approche encore plus rigoureuse en sélectionnant avec soin les dossiers qu’elle accepte, allant jusqu’à en refuser certains ? Stéphane Desselas : Oui, nous avons une approche éthique unique : nous refusons de collaborer avec des secteurs tels que le tabac, l’alcool, les aliments trop gras ou trop sucrés, les armes (en dehors de celles nécessaires à faire face à une menace extérieure) ou les États non démocratiques et leurs entités. De plus, chaque consultant peut faire valoir une clause de conscience individuelle pour refuser de travailler pour un client. Pour choisir les Etats et leurs entités avec qui nous souhaitons collaborer, je m’appuie sur le classement établi par le rapport annuel d’une fondation, la Freedom House. Nous avons aussi décidé de ne pas travailler pour des personnalités, assez puissantes, pour être en capacité seule d’influencer les institutions. On trouve en effet aujourd’hui des personnalités qui ont une telle puissance financière, idéologique et médiatique qu’elles peuvent, à elles seules, constituer un véritable lobby et exercer une réelle influence sur les décisions publiques. Si l’un de ces acteurs, qu’il soit français ou étranger, sollicitait une collaboration avec nous, sous prétexte de son poids financier ou dans les médias et de son pouvoir d’influence, notre réponse serait sans appel : non. A notre échelle, nous posons une barrière, modeste certes, mais nécessaire. Cela ne les empêchera pas d’agir, mais ce sera sans notre aide. D’où vous vient cette vision pionnière de votre travail de lobbyiste ? Stéphane Desselas : J’ai toujours eu à cœur de me montrer transparent et éthique, et de servir des « causes justes et durables », et ce, dès mes débuts, en 1994, lorsque j’ai commencé à travailler pour de grandes entreprises publiques françaises, EDF, La Poste et les chemins de fer européens. Mon premier livre, en 2007, s’intitulait « Un lobbying professionnel à visage découvert : Enquête sur l’influence des Français à Bruxelles ». C’est un sujet qui me tient à cœur depuis longtemps. Je crois aussi que j’ai été influencé par les anglo-saxons, qui ont la réputation de pratiquer un lobbying professionnel. J’ai voulu m’inspirer de leurs méthodes et techniques de lobbying mais en les conciliant avec nos principes continentaux d’intérêt général. C’est aussi pour cela que j’ai créé, en 2005, le Groupe des Nouveaux Lobbyistes, après le rejet de la constitution européenne par référendum en France, avec pour ambition de moderniser et professionnaliser l’activité du lobbying des Français à Bruxelles. Ce groupe prône une approche basée sur l’expertise, et rompt avec un lobbying traditionnel et ancien fondé sur les réseaux personnels et les petites faveurs, car l’éthique n’est pas une contrainte, c’est une nécessité !
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