Budget européen : l’heure est à un sursaut confédéral
Opinion Budget européen : l’heure est à un sursaut confédéral Sans une refonte ambitieuse de son budget, fixé actuellement à 1% du PIB, l'UE restera un acteur politique sous-dimensionné face aux défis qui s'annoncent. L'Union européenne (UE) entame une bataille cruciale pour son budget 2027-2034. Face à des défis immenses – sécurité, transition écologique, souveraineté technologique –, son financement actuel, limité à 1% du PIB, apparaît insuffisant. États membres et Commission européenne doivent trouver le courage politique d’assumer un budget confédéral à la mesure des ambitions de l’Union. Alors que les négociations du budget de l’UE pour la période 2027-2034 ne débuteront qu’en juin, les cercles européens sonnent déjà la mobilisation générale, entre projections chiffrées, rapports d’influence et esquisses de compromis. S’ouvre ainsi une période déterminante pour l'Union, à l’issue de laquelle seront fixés les moyens financiers de nos ambitions communes pour sept ans: sécurité et défense, décarbonation, réindustrialisation, développement de l’intelligence artificielle… Pourtant, le cadre budgétaire actuel ne permet pas de répondre à ces défis, et la tendance à la contraction du budget communautaire menace directement la capacité de l’Union à agir. Un budget faible et sous pressionLe budget européen est structurellement modeste: il dépasse à peine les 1.000 milliards d'euros sur sept ans, soit 1,02% du PIB des Vingt-Sept, une part qui a continuellement diminué depuis 1990, période à laquelle il représentait 1,2% du PIB de l’UE. Un choix historique pour les États membresOr, comparé aux autres grandes entités fédérales, le budget européen fait figure d'exception minimaliste: le budget américain représente 36% du PIB national, le budget canadien, 15%. Quant aux Européens, les appels brûlants au sursaut visent un timide 3%.Cette contraction budgétaire intervient alors que les attentes envers l'UE ne cessent de croître. La transition écologique, la compétitivité industrielle et la sécurité européenne exigent des moyens considérables, que la Commission estime à environ 500 milliards d’euros supplémentaires par an d'ici à 2030.Par ailleurs, la situation est appelée à encore se dégrader. À partir de 2028, l'UE devra commencer à rembourser les 750 milliards d'euros empruntés sur les marchés pour financer son plan de relance post-covid. Ces remboursements pèseront pour 20 à 25 milliards d'euros par an pendant huit ans, ramenant le budget européen disponible à seulement 0,8% du PIB. L'Europe se trouve à un tournant politique. Face à la dérive trumpiste des États-Unis, à la menace persistante de la Russie de Vladimir Poutine et aux enjeux internes de sa propre souveraineté économique et technologique, l'heure n'est plus aux calculs à courte vue, mais au déploiement d’un budget ambitieux. Ce sont les États membres, nos chefs d’État et de gouvernement, qui doivent prendre cette décision courageuse et éminemment politique. Deux solutions principales se présentent à eux: augmenter leurs contributions au budget européen, choix difficile à assumer devant des opinions publiques de moins en moins euro-enthousiaste. Ou alors, créer de nouvelles sources de revenus directs pour l’UE, à travers la perception de taxes par la Commission elle-même. De nombreuses initiatives existent dans ce registre, toutes bloquées dans la nasse du processus décisionnel européen, pour certaines depuis des années (taxe sur les transactions financières, sur les plastiques non recyclables, sur les infrastructures télécoms...). Sans une refonte ambitieuse de son budget, l'UE restera un acteur politique sous-dimensionné face aux défis du siècle. À 1% du PIB, l’Europe se condamne à l’impuissance. À 3%, elle fait un pas vers la réalisation de ses ambitions. Le trimestre qui s'ouvre est celui du courage politique: les dirigeants européens ont le choix entre prolonger l'illusion d'une Europe à moitié souveraine ou assumer pleinement l'intégration budgétaire nécessaire pour garantir la puissance et la stabilité du continent. Thomas DorgetConsultant PolitiqueDirecteur associé d’Athenora Consulting
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